L’au-revoir des franciscains
Le dimanche 29 juin, les Tarbais ont dit au revoir aux frères franciscains. Depuis 1956, une communauté de frères était installée à Saint-Antoine, entre les quartiers de l’Arsenal et de Laubadère. Au fil des années, la joie et le zèle franciscains ont accompagné la communauté chrétienne du Nord de Tarbes, tout en rayonnant dans l’ensemble du diocèse. Les habitants des quartiers alentour se sont habitués à la proximité des religieux, se sont liés d’amitié avec eux, laissé tou- cher par leurs chants de louange, et même embarquer dans des moments très festifs autour de prières, de jeux et de crêpes ! Frère Julien et frère Benoît ont annoncé et préparé leur départ. Dans cet entretien ils nous en expliquent les raisons. Plus que tout, ils nous rappellent que si les frères partent, le Seigneur, lui, reste.
- Frères, pourquoi partez- vous ?
Nous n’étions plus assez nombreux pour tenir nos différents couvents. Le décès d’un frère et une maladie grave touchant un autre de nos frères ont rendu urgent de décider la fermeture d’un de nos couvents. Aussi douloureuse que soit la décision à prendre, nous ne pouvions plus repousser l’échéance. - Pendant toutes ces années, vous avez accompagné la communauté paroissiale, avec votre spiritualité franciscaine. Qu’avez-vous voulu transmettre ici ?
La fraternité. Saint François d’Assise commence son Testament par ces mots : « Le Seigneur me donna des frères ». C’est l’esprit de réconciliation, d’émerveillement, d’accueil, de dialogue : François sait se réjouir des qualités de chaque frère – le contraire d’un esprit de rivalité. Tout est reçu comme un don, un cadeau de Dieu, nous ne formons qu’une famille qui est appelée à se soucier de chacun, et en particulier du plus vulnérable, dans un esprit de minorité. « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10, 8) : nos capacités, nos dons nous ont été donnés par Dieu pour que nous nous mettions au service de nos frères par amour. Cette année, nous fêtons les 800 ans de la composition du Cantique des créatures qui a inspiré l’encyclique Laudato si’ du pape François. Dans ce cantique, saint François voit chaque élément de la création comme un frère ou une sœur donné(e) par Dieu, qui nous fait confiance pour en prendre soin. Là encore, saint François s’émerveille de la bonté de Dieu qui nous a donné une si belle création et qui nous fait confiance pour l’entretenir. François nous invite donc à être responsable vis-à-vis de la création, animé non d’un esprit accusateur, mais d’un esprit de reconnaissance pour tout ce que la création nous donne et nous révèle de la prévenance de Dieu. - En retour, qu’avez-vous appris dans ce quartier très hétéroclite ? Qu’avez-vous aimé dans votre vie ici ?
Justement, c’est cet esprit de fraternité, de solidarité qui anime les personnes de ce quartier, et se manifeste notamment au moment de la kermesse. C’est vraiment beau de voir tout le monde, croyants ou non, pratiquants ou non, s’investir pleinement et ensemble pour que cet événement soit un moment convivial et de réelle fraternité. Les missions de rues que nous avons réalisées dans deux quartiers de nos ensembles paroissiaux (3-7 mars 2020 dans le quartier d’Urac et 9-19 mars 2021 dans le quartier de Saint-Antoine) furent aussi une expérience forte où des laïcs se sont investis avec nous, religieux. Parmi les rencontres les plus marquantes que nous avons vécues, il y a eu des rencontres avec des croyants musulmans. Ils désiraient cette rencontre, étaient heureux de dialoguer avec nous. Cela nous renvoyait à la rencontre en 1219 entre François et le sultan Al-Malik al- Kâmil à Damiette en Égypte. Ces deux hommes avaient pu dialoguer pacifiquement sur leur foi alors que l’on se trouvait en pleine croisade. Cela nous montre que lorsque les religions sont vécues de façon sincère et authentique, elles peuvent engendrer de réels liens de fraternité (c’est le sens du mot « religion » : être relié à Dieu et à nos frères).
- Depuis des mois, vous avez annoncé votre départ. Comment l’avez- vous préparé et surtout comment avez-vous aidé la communauté à s’y préparer ?
La communauté a été indirectement préparée en voyant que nous étions de moins en moins nombreux : en 2018 nous étions quatre, puis en 2022 plus que trois, et depuis fin 2023 seulement deux. De plus, nous les avons mis face à une réalité qui est générale en France et à laquelle le diocèse n’échappe pas : la diminution des prêtres et des religieux. En septembre dernier, il y a eu notamment le départ de nos frères prémontrés. Nous avons voulu encourager et responsabiliser nos paroissiens : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement », c’est toute la communauté qui est appelée à témoigner de la joie de l’Évangile. Nous les avons sensibilisés sur le fait que certains services (et non certains pouvoirs) pouvaient s’accomplir par des laïcs, comme la célébration d’obsèques, la préparation au baptême et au mariage… Nous les avons aussi invités à réfléchir comment le parcours effectué avec nous les avait fait évoluer, ce qu’ils voulaient continuer à vivre (par exemple la prière liturgique, l’adoration…)
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- Le diocèse de Tarbes et Lourdes se lance dans une nouvelle étape de sa mission. Cela passe par une conversion des cœurs et aussi par une nouvelle organisation de nos paroisses. Que pouvez- vous transmettre comme message d’espérance aux personnes qui s’inquiètent de ces changements ?
Nous les inviterions à relire le dernier Bulletin diocésain qui nous apprend que de plus en plus d’adultes demandent le baptême. Dans ce bulletin, le nouveau président de la Conférence des évêques de France, le cardinal Jean-Marc Aveline constate que ces personnes arrivent par des chemins qu’ils n’avaient pas prévus. Nous-mêmes avons vu des personnes frapper à notre porte. L’évangélisation est l’affaire de tous comme nous le rappelle le concile Vatican II, chacun est appelé à entendre cette réponse du Christ : « Donnez-leur vous- mêmes à manger » (Lc 9, 13). L’évangélisation n’est pas un challenge, mais un acte d’amour. Ces personnes qui viennent frapper à la porte de nos églises ne demandent pas des cours de théologie, elles viennent demander des rencontres authentiques. Vous êtes appelés à voir en elle le Christ assoiffé d’amour sur la croix ou qui demande à boire à la Samaritaine pour le même motif. Eux en retour veulent voir en vous le visage du Christ qui porte son regard d’amour sur l’homme riche ou qui se laisse saisir de compassion sur les détresses et les souffrances dont il est témoin. Il n’y a rien de plus beau que de transmettre l’espérance, (nous sommes en pleine année du jubilé) la joie, l’amour qui vous animent. Témoigner de sa foi est aussi le moyen de prendre réellement conscience de la relation unique que Dieu veut lier avec chacun de vous. Cerise sur le gâteau, le diocèse compte deux propédeutes et quatre séminaristes qui cheminent vers le sacerdoce. Ils seront là pour accompagner des communautés qui ont compris pleinement le service qu’elles pouvaient accomplir au sein de l’Église et qui s’y investissent avec enthousiasme. - Qu’allez-vous devenir et qu’allez-vous faire ?
Nous rejoignons notre frère Antonello Fanelli au couvent de Lourdes, où notre principale mission sera de faire connaître la figure et la spiritualité mariale de saint Maximilien Kolbe, prêtre de notre ordre religieux. Il est mort dans le camp d’Auschwitz et a été proclamé premier martyr de la charité par le pape Jean-Paul II. Les expériences mariales vécues par Bernadette Soubirous et Maximilien Kolbe ne se concurrencent pas, elles s’enrichissent mutuellement. Jean-Paul II le présente comme « un modèle de sainteté pour nos temps difficiles». Il est considéré comme un précurseur du concile Vatican II, non seulement pour sa spiritualité mariale mais aussi pour son regard sur le progrès. En effet, il n’a pas hésité à utiliser les nouveaux moyens tels que le travail à la chaîne, l’utilisation des moyens modernes de communication tels que la presse et la radio au service de l’évangélisation. Notre communauté restera disponible pour servir le diocèse et le sanctuaire. - La joie franciscaine nous enseigne d’être joyeux en toute circonstance. À l’heure de se dire au revoir, comment garder cette joie au cœur ?
Il est important de se dire que ce n’est pas tant une fin qu’un nouveau commencement. Quand nous nous remémorons ce que nous nous sommes mutuellement donnés et avons reçu, que ce ne soit pas avec nostalgie mais avec reconnaissance. Par-là nous ne pourrons que nous enthousiasmer avec confiance de ce que prépare pour nous le Seigneur par de nouvelles rencontres et expériences. Dieu veut toujours nous combler au- delà de ce que nous pouvons imaginer.
