Musique et liturgie ont-elles toujours été liées ? Et sinon, de quand date son apparition dans les célébrations ?
JP Lécot : L’usage de la musique dans un cadre religieux, voire liturgique, semble être fort ancien : on découvre dans la Bible des traces d’instruments appelant à la prière, mettant en valeur des rites sacrés (cf par exemple l’annonce du Jubilé) ou accompagnant le chant des psaumes (cf le psaume 150).
On sait qu’aux tout premiers temps de l’Eglise, les assemblées répondaient par des acclamations aux prières du célébrant. Et St Paul, dans ses Epîtres, fait allusion à plusieurs hymnes, qui semblent avoir été connues et utilisées par les croyants.
Comment la musique (instrumentale ou chantée) se met-elle au service de la liturgie ?
JP Lécot : La musique liturgique a forcément suivi l’évolution de la musique tout court. Les formes se sont élaborées peu à peu, et même précisées au point que de nombreux rituels de diocèses français rentraient dans d’innombrables détails. La musique liturgique a pris une place considérable dans nos rites : cf jadis le grégorien, puis, à la Renaissance, de riches polyphonies. Face à cette évolution, le Concile de Trente a rappelé que la musique devait avant tout servir – et non rendre inaudible ou encore moins entraver – la Parole de Dieu et le déroulement de l’action liturgique.
Les Pères du Concile Vatican II ont souhaité que l’assemblée participe davantage. Et l’on pourrait difficilement, aujourd’hui, admettre des liturgies où l’assemblée resterait muette du début à la fin, sans pouvoir chanter sa foi.
Des répertoires fort volumineux se sont répandus dans le but de favoriser cette participation et accompagner les rites célébrés. Les réussites sont diverses – certaines indéniables – mais il faut avouer aussi que l’extrême profusion n’engendre pas toujours l’unité.
Y a-t-il, selon vous, un âge d’or de la musique liturgique et plus généralement de la musique sacrée ?
JP Lécot : Vous avez raison de distinguer musique liturgique (au sens où on l’entend de nos jours) et musique sacrée. Ayant été pendant 22 ans directeur d’un festival international de musique sacrée, je n’ai jamais douté que les chefs d’oeuvre écoutés fussent des occasions fabuleuses de s’émerveiller et de « prier sur de la beauté » comme disait le pape Pie X. Mais qui, de nos jours, oserait programmer une grand messe de Bach ou de Mozart au cours d’une liturgie ? (Il est vrai que cela se pratique encore dans les pays germaniques…)
Vous venez de terminer un énorme travail sur les psaumes. Racontez-nous…
JP Lécot : J’ai toujours été frappé par la richesses des psaumes, qui comptent parmi les plus belles prières de l’Eglise ; Jésus lui-même priait (et peut-être même chantait) les psaumes.
Depuis mon adolescence, j’ai été séduit par le travail extraordinaire de Gélineau sur ce sujet. Et quand est parue la nouvelle traduction du Lectionnaire, j’ai tout de suite pensé qu’il faudrait continuer ce noble travail.
J’ai été choqué d’entendre un jour l’animatrice liturgique d’une cathédrale à qui j’avais demandé « Comment faites-vous, pour le chant du psaume, au cours des messes ? » me répondre ceci : « Oh vous savez, moi, je bricole [sic] quelque chose, en arrangeant [sic] les textes ou en les mettant plus ou moins sur des airs connus [sic]. » Cela m’a confirmé qu’il y avait du pain sur la planche pour éviter à tout prix cela !
Je me suis penché d’abord sur les psaumes de semaines de l’Avent, du Temps de Noël, du Carême et du Temps pascal, puis du temps Ordinaire des années paires et impaires. Puis des Dimanches et Fêtes des trois années A, B et C. Et enfin, plus récemment, du Sanctoral (ou du moins d’un certain nombre de Saints et Saintes). En tout, cela totalise 1.110 pages.
Mais… le psautier ne comporte que 150 psaumes ?
JP Lécot : C’est ce que m’a dit un jour un confrère ! Or c’est oublier que les psaumes de la liturgie n’ont pas du tout une forme régulière mais : a) comportent des centaines d’antiennes différentes, b) des versets eux-mêmes différents, et enfin c) des ambiances littéraires et spirituelles variables. D’autre part, j’ai opté pour l’ajout – toujours dans le même ton ! – de l’Alleluia, ou acclamation à l’Evangile, et de son verset.
Quelle a été globalement votre démarche ?
JP Lécot : Elle a été double : tantôt garder, quand le texte le permettait, quelques mélodies inusables de mes illustres prédécesseurs (Gélineau, Deiss, Lesbordes, Décha…) ; tantôt, dans la majorité des cas, composer des musiques nouvelles, faciles à chanter.
Ces 1.110 pages sont-elles publiées ?
JP Lécot : Oui (sauf le Sanctoral), en six volumes : chez Bayard. Puisse ce travail rendre plus accessible le chant des psaumes, prière séculaire, indémodable et merveilleuse.
Photos : Pierre Vincent