Bigorre, vieille terre mariale

Bigorre, vieille terre mariale

Article de l’Abbé Henri Larricq.

En Bigorre, la première trace d’une organisation religieuse se situe au tout début du VIème siècle. Le premier évêque connu en Bigorre se nomme Aper. En 506, Aper est âgé. Il ne peut se rendre lui-même au concile d’Agde. Aper y envoie le prêtre Ingenuus pour le représenter.

Les paroisses ont dû être fondées par la suite, au coup par coup, suivant les besoins. Nous ne connaissons pas l’époque où les églises paroissiales ont été construites.

Il est à noter que les titulaires des églises sont des saints anciens. Cela laisse supposer que les églises qui leur étaient dédiées furent édifiées il y a bien longtemps. Voici un contre-exemple. Saint Vincent de Paul, le grand apôtre du XVIIème siècle, est le titulaire de la paroisse de La Séoube. Mais, cette paroisse n’a été créée qu’au milieu du XIXème siècle, en 1853.

Dans ce choix des protecteurs de nos villes et villages, la Vierge Marie a eu, dès le début, une place privilégiée. La cathédrale de Tarbes, la mère des églises de notre diocèse, a été dédiée à Notre Dame de la Sède. Le vitrail central du chœur représente la Mère assise ( d’où le nom de la Sède ) qui présente sur ses genoux l’enfant Jésus.

Beaucoup de bourgs et de villages ont poursuivi dans ce même sens. Dans ce petit pays de coteaux et de montagnes, bien des églises ont été édifiées en réservant une place de choix à la Mère de Dieu. Sur 525 églises paroissiales érigées, 83 sont dédiées à Notre Dame de l’Assomption. En ajoutant les autres vocables de Marie, la Nativité, la Présentation…, nous trouvons une église sur cinq qui lui est dédiée.

Voilà qui illustre l’ancienneté de la ferveur de la Bigorre envers la Mère de Dieu.

Les montjoies et chapelles dédiées à Marie

La piété populaire ne s’est pas contentée d’offrir des églises paroissiales à Marie. Un peu partout, des montjoies ont été élevées et des chapelles construites en son honneur.

Les montjoies et les statues

Sur les sommets comme aux carrefours des routes et des chemins, les montjoies et statues, sous abris ou en plein air, se rencontrent à peu près partout dans notre Bigorre. Notre annuaire diocésain en dénombre 72. Certaines y ont peut-être été oubliées.

  • Voici la liste des montjoies donnée par l’annuaire diocésain : Adé, Agos, Anclades, Anères, Antin, Argelès-Gazost, Arrens, Aspin-en-Lavedan, Auriébat, Avezac (2), Ayzac, Bagnères (2), Barlest, Beaucens, Bernac-Dessus, Bernadets-Dessus, Betpouey, Bourisp, Burg, Cadéac, Caixon, Castelbajac, Cauterets (2), Créchets, Chelle-Debat,  Clarens, Escaunets, Esquièze, Ferrières, Garaison, Gavarnie (2), Hibarette, Hitte, Ibos, Juillan, Julos, Juncalas, Labatut-Rivière (2), Lalanne-Magnoac, Lanespède, Lascazères, Loucrup, Loudenvielle, Luquet, Luz, Marsous, Marseillan, Montgaillard, Mun, Omex, Oursbelille, Osmets, Ossen, Ozon, Rieulhès, Saint Lary, Saint-Pé, Salles-Argelès, Sauveterre, Séron, Souyeaux,Thermes-Magnoac, Trébons, Vidalos, Vignec, Villenave-près-Béarn, Vielle-Aure.

Toutes les montjoies ne sont pas d’une expression artistique de haut niveau. Mais, là n’est pas l’essentiel. Il s’agit, avant tout, du signe d’une grande ferveur envers la Vierge Marie de la part de nos anciens.

À lire la liste de ces montjoies, on remarque que les villes et les gros bourgs y sont moins nombreux que les villages. Mais autrefois, nos campagnes étaient beaucoup plus peuplées qu’aujourd’hui. En 1850, sur une population totale du diocèse de 250 660 habitants, 204 432 habitaient des communes de moins de 2 000 habitants, soit 81,5% de la population totale. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 46%.

Les chapelles

Comme pour les montjoies et les statues, on constate que les chapelles vouées à Notre Dame se trouvent à peu près également réparties dans l’ensemble du diocèse et, en priorité, à la campagne.

Les architectures sont variées et élégantes et s’insèrent au mieux dans le paysage environnant.

Les vocables de ces chapelles sont très variés. Ils se partagent à égalité entre des désignations locales (pour 19) et des privilèges ou dévotions propres à Marie (pour 18). Arrive en tête Notre Dame de Pitié (5) puis Notre Dame des Neiges (4).

Voici la liste de ces chapelles classées par secteur pastoral telle qu’on la trouve dans l’annuaire diocésain

Vallée de l’Arros  
Trouley-Labarthe : Notre Dame de la Nativité.

Sud de Tarbes
Ossun : Notre Dame de Bellau.

Haut Adour
Cieutat : Notre Dame de Roumé.
La Mongie : Notre Dame des Neiges.
Trébons : Notre Dame de la Hourcadère.

Lourdes  
Adé : Notre Dame du Rosaire.
Lamarque-Pontacq : Notre Dame de Pitié.
Rieulhès : Notre Dame de Pitié.

Argelès-Luz   
Lau : Notre Dame de Castet.
Le Marcadau : Notre Dame des Neiges.
Saint Savin : Notre Dame de Piétat.

Lannemezan  
Avezac : Notre Dame du Sarrat.
Hèches : Notre Dame des Champs.
Montoussé : Notre Dame de Nouilhan.
Montastruc : Notre Dame de Lourdes.

Neste-Barousse
Anla : Notre Dame de Lers.
Aveux : Notre Dame de l’Assomption.
Plan d’Ilheu : Notre Dame de Gran.
Hautaget : Notre Dame.
Tibiran-Jaunac : Notre Dame du Bout des Rives.

Astarac-Magnoac
Guizerix : Notre Dame de la Trinité.
Libaros : Notre Dame des Neiges.
Monléon-Magnoac : Notre Dame de Pitié.
Recurt : Notre Dame des Sept Douleurs.

Aure-Louron  
Ancizan : Notre Dame de Puyo.
Aragnouet : Notre Dame du Plan.
Arreau : Notre Dame d’Escalère.
Bourisp : Notre Dame de Sescase.
Cadéac : Notre Dame de Pène-Tailhade.
Cadeilhan-Trachère : Notre Dame de Pitié.
Eget : Notre Dame de Meyabat.
Guchan : Notre Dame des Prisonniers.
Guchen : Notre Dame du Bouchet.
Loudenvielle : Notre Dame d’Artiguelongue.
Ris : Notre Dame des Neiges.
Saint-Lary : Notre Dame.
Sarrancolin : Notre Dame des Plantats.

Les sanctuaires de la Vierge Marie

Garaison (Guérison)

À dix-sept kilomètres au Nord-Est de Lannemezan, se trouve Garaison, un hameau de la commune de Monléon-Magnoac.

Vers 1520, une fille du hameau d’une dizaine d’années, bergère de son état, témoigne que, près de la fontaine de Garaison, la benoîte Vierge Marie lui est apparue à trois reprises. Anglèze de Sagasan est chargée d’aller dire aux consuls de Monléon de faire planter une croix près de la fontaine et de bâtir une église.

Une modeste chapelle avait été réalisée en 1475. Elle est très petite et en mauvais état. Les dons des pèlerins se multiplient. Vers 1540, une belle et vaste chapelle est construite qui sera, par la suite, décorée et ornée d’un magnifique retable et de fresques tout à fait remarquables.

Le pèlerinage s’organise. Le peuple accourt en foule. Des guérisons se produisent à cette fontaine. Une statue de Notre Dame de Pitié ( une Pietâ ) est placée au-dessus de l’autel. Vers 1590, Garaison est saccagé par une bande de huguenots. La statue est jetée au feu mais, miraculeusement, elle n’est que noircie par la flamme.

Anglèze sera admise comme religieuse au monastère cistercien de Fabas situé à une quarantaine de kilomètres de Garaison. Anglèze mourra le 30 décembre 1582.

En 1604, le sanctuaire est confié à un recteur : Pierre Geoffroy. Ce premier chapelain sera bientôt rejoint par une douzaine de compagnons. Le pèlerinage se développe. Les foules arrivent de fort loin, jusqu’à la famille royale de France qui viendra honorer Notre Dame de Garaison.

Au XIXème siècle, un prêtre du diocèse de Tarbes, originaire d’Armenteule, Jean-Louis Peydessus, fondera la congrégation des Missionnaires de l’Immaculée Conception. Ces religieux sont plus communément appelés Pères de Garaison. Un grand collège est fondé qui existe encore aujourd’hui. Très vite après leur fondation, les Pères de Garaison seront chargés par Monseigneur Laurence de restaurer les divers autres sanctuaires mariaux du diocèse. L’évêque les choisira également pour créer, construire et organiser le sanctuaire de Lourdes.

Héas

Héas se trouve au pied du Cirque de Troumouse, à l’altitude de 1500 mètres.

La tradition rapporte que des bergers virent deux blanches colombes se poser auprès d’une fontaine, à quelques pas du torrent. Intrigués par la répétition du phénomène, ils les suivirent du regard. Une colombe se dirigea vers le bas de la vallée, tandis que l’autre vint se poser au lieu même de la chapelle actuelle. Dans leur ingénuité et la spontanéité de leur foi, nos bergers furent convaincus que, par ce signe, la Vierge Marie manifestait sa volonté de voir élever en ce lieu une chapelle en son honneur.

Les pasteurs se font bâtisseurs et nos bergers érigent un sanctuaire de leur cru. Mais, où trouver une statue de la Mère de Dieu ? De nuit, mais par pure dévotion, ils allèrent dérober la statue de Notre Dame de Pinède (des Pins) honorée dans la chapelle de Pinède, en Aragon, de l’autre côté de la frontière.

Sur le chemin du retour, la fatigue aidant, ils bivouaquent près du Port de Canaou, ne surveillant que d’un œil leur précieux butin. Dès que les propriétaires légitimes découvrent la rapine, ils se mettent en chasse et viennent récupérer leur madone, tout en respectant le sommeil des ravisseurs.

À leur réveil, la déception de nos bergers est grande. Mais, elle est quelque peu atténuée par la découverte d’une belle source au-dessous du rocher sur lequel ils avaient posé la statue. Ils cherchent et découvrent une remplaçante aussi belle que la Vierge Marie aragonaise. Elle sera celle de leur chapelle et la source deviendra la Fontaine Notre Dame.

La trace la plus ancienne de l’existence du sanctuaire est de 1349. Plus tard, un petit prieuré de quelques chapelains est fondé et une nouvelle chapelle est construite. Des pèlerinages s’organisent depuis les vallées de Gavarnie, de Luz et de Barèges.

Nous sommes en haute montagne. Régulièrement, les intempéries et les avalanches provoquent de gros dégâts au sanctuaire. En janvier 1915, une grosse avalanche anéantit la chapelle qu’il faut reconstruire. La chapelle actuelle a été bénite le 12 août 1928.

Médous (Miel doux)

Au sortir de Bagnères, à deux kilomètres sur la route des cols, on traverse Médous. Le site est célèbre pour ses grottes découvertes en 1948 et ouvertes au public en 1950. Le nom de Médous rend hommage à la douceur du miel de l’endroit. Pour d’autres, ce nom évoquerait la douceur de la Vierge Marie.

Au XVIème siècle, un petit berger aurait eu le privilège d’une apparition de Marie sur le rocher qui surplombe la source. Une modeste chapelle fut construite, desservie par le curé d’Asté et les pèlerins affluèrent.

À la suite de troubles et de rixes mal expliqués, les Bagnérais revendiquent la statue de Notre Dame. Elle est conduite vers la ville en procession, sur un char richement décoré. Au pont du Martinet, la statue quitte son siège, décolle dans les airs et regagne son sanctuaire. Une autre version de l’événement indique que les bœufs qui tiraient le char refusèrent de franchir le pont et décidèrent d’eux-mêmes de faire demi-tour. Retenons que la statue resta à Médous et que les Bagnérais rentrèrent chez eux bredouilles.

En 1564, Médous est confiée à une communauté de sept prêtres sous l’autorité d’un prieur.

Liloye ( belle comme le lys ), native du vallon de Serris à Beaudéan, se marie à Bagnères. Devenue veuve, elle vient avec sa fille Andrette habiter le Pied du Pouey, le quartier des pauvres de la ville. Grande dévote de Médous, elle s’y rend chaque jour par le chemin de l’Arbéret, les futures Allées Maintenon.

La Vierge Marie apparaît à Liloye et lui confie une mission à l’intention des notables de Bagnères. De la part de la Vierge, elle annonçait l’arrivée d’un grand malheur si Bagnères ne faisait pas pénitence. Liloye ne fut pas écoutée. La peste arriva en 1588. L’épidémie ravagea la presque totalité de la population. La chronique nous rapporte que cette peste « emporta, des six parts, les cinq habitants ».

Il fallut une nouvelle épidémie de peste l’année suivante pour que Liloye fût enfin prise au sérieux. Une procession est décidée. Chaque année et jusqu’à la Révolution, Bagnères sera fidèle à son vœu.

Liloye et Andrette finirent leur vie en Espagne, au couvent de Balbonne, près de Montserrat.

En 1616, le prieuré est confié aux capucins. Un couvent est construit dont l’église est consacrée en 1630. Les pèlerinages se développent. Les guérisons se multiplient. Les foules affluent aux fêtes de l’Invention et de l’Exaltation de la Sainte Croix, les 3 mai et 14 septembre. On venait de partout et de fort loin.

La Révolution chasse les capucins et le sanctuaire est fermé. Après quelques démêlées avec Bagnères, la statue de Notre Dame ainsi que la cloche de la chapelle émigrent dans l’église d’Asté. La chapelle est démantelée au profit des paroisses environnantes. Elle tombera bientôt en ruine.

Désormais, on évoque Notre Dame d’Asté qui a pris le relais de Médous.

Piétat (Pitié)

Sur la route de Toulouse, à quelques kilomètres de Tarbes, sur le coteau, on traverse Piétat, un hameau de la commune de Barbazan-Debat. Ce sanctuaire est voué à Notre Dame de Pitié. Ce culte envers la Vierge Marie qui accueille sur ses genoux le corps de son fils décloué de la croix est devenu très populaire à partir du XVème siècle.

Au tout début du XVIème siècle, un paysan aurait découvert la statue de Notre Dame de Pitié en labourant son champ. Un petit sanctuaire est construit pour abriter la Vierge miraculeuse.

La Bigorre connaît de graves épidémies de peste comme celle de 1588. Voilà l’occasion de venir en pèlerinage pour implorer de la Vierge sa protection.

La chapelle de Piétat fut construite en 1593 par le seigneur de Barbazan pour remplacer une modeste montjoie. Très vite, un prieuré y est fondé et les pèlerinages s’organisent.

Comme dans bien des endroits, la Révolution vient suspendre la vie du sanctuaire. Ce n’est qu’en 1839 que le sanctuaire réouvre mais timidement et cahin-caha. Il faut attendre l’arrivée de trois Pères de Garaison en 1861 et l’impulsion donnée par Monseigneur Laurence pour voir Piétat reprendre vraiment vie.

Poueylaün

Poueylaün se trouve dans la vallée d’Azun, à 930 mètres d’altitude, à deux pas de Arrens, sur la route du lac du Tech.

Deux récits nous content l’origine du sanctuaire.

Par une nuit paisible, un homme d’Arrens aperçut d’étranges lueurs embraser le monticule qui domine le village. Au milieu de cette clarté, il distingua une statue de Marie. Il rameuta la population. Il fut décidé de transporter la statue dans l’église paroissiale. Impossible de la décoller. La statue restait fixée sur son rocher. Pour l’abriter, on bâtit donc, en cet endroit, un oratoire dédié à la Vierge Marie.

L’autre version n’est pas moins originale.

Rappelez-vous ! Une des deux colombes de Héas s’envola vers le bas de la vallée. Tout naturellement, elle vient se poser sur le rocher de Poueylaün. Voilà de quelle manière la Vierge Marie manifesta sa volonté de voir s’élever nos deux sanctuaires de montagne : Héas et Poueylaün.

À l’oratoire bâti pour recevoir la statue miraculeuse, succède, en 1717, une vaste chapelle dans le style de la Renaissance. Des pèlerinages sont organisés. À la Révolution, la chapelle est mise en vente. Une bonne chrétienne d’Arrens la rachète et en remet la propriété à l’Église.

En 1808, la chapelle est réouverte au culte et les pèlerinages reprennent.

En 1856, sous l’impulsion de Monseigneur Laurence, un collège est ouvert par les Pères de Garaison. En quinze ans d’existence, ce petit collège devait donner au diocèse une cinquantaine de prêtres.

La Vierge Marie revient en Bigorre

De longue date, notre diocèse est une terre mariale. Une fois de plus, la Mère de Dieu va venir visiter notre Bigorre… et de quelle manière !

1844, à Tarbes, le 31 décembre, Bertrand Sévère Laurence, prêtre du diocèse, né à Oroix, âgé de 54 ans, est nommé évêque de Tarbes. Il sera l’évêque des apparitions de Lourdes.

1844, à Lourdes, le 9 janvier, le curé Dominique Forgue baptise Marie Bernarde, née le 7 janvier et fille de François Soubirous et de Louise Castérot.

1854, à Rome, le 8 décembre, dans la constitution apostolique « Ineffabilis Deus », le pape Pie IX définit un nouveau dogme : « La conception immaculée de la Vierge Marie ».

1854, à Tarbes, évêque depuis dix ans, Monseigneur Laurence lance, dans son diocèse, de grandes réformes et des missions dans les paroisses. Il prend l’initiative de faire renaître les cinq sanctuaires dédiés à Marie…

1854, à Lourdes, Bernadette, l’aînée d’une des familles les plus pauvres de la ville vient d’avoir dix ans. Une solide foi chrétienne et une affection sans faille soutiennent cette famille dans les épreuves et revers qu’elle traverse.

1858, à Lourdes, du 11 février au 16 juillet, à dix-huit reprises, Bernadette rencontre la Vierge Marie.

« L’Immaculée Conception », c’est le nom sous lequel « aquerò » de Massabielle a voulu se faire reconnaître de Bernadette le 25 mars 1858.

« Aquerò » est un démonstratif patois, la langue parlée à Massabielle. Par ce mot, Bernadette désignait celle qu’elle voyait. Il est à souligner l’extrême prévenance de la Vierge Marie qui daigne abandonner son araméen maternel pour le patois de Bigorre, la seule langue que Bernadette connaissait.

Le bon sens, la patience, l’intelligence et l’humour de Bernadette auront raison des autorités civiles, judiciaires et religieuses.

 La mandataire de Notre Dame aura gain de cause.

« La chapelle à édifier » deviendra basiliques et esplanades.

« Priez pour les pécheurs » deviendra chapelle de la Réconciliation.

« Allez boire à la fontaine et vous y laver » deviendra fontaines et piscines où les malades et les bien-portants viennent boire et se plonger.

La Vierge Marie qui a été proclamée immaculée dès sa conception par le pape Pie IX s’identifie à Massabielle avec ce grand privilège, immense cadeau de Dieu envers la mère de son Fils. Désormais, Marie est et sera « l’Immaculée Conception », nouveau nom propre qu’elle s’attribue et qu’elle affectionne à Lourdes comme partout.

 Un clin d’œil en guise de conclusion

La piété peut atteindre des sommets au point de devenir fort inventive. En voici un exemple dont le nom de l’auteur n’a pas été retenu.

Tout le monde sait que Jacques le Majeur, le frère de Jean, est allé évangéliser la Galice, au Nord-Ouest de l’Espagne. Il s’est fixé à Compostelle. Le pauvre expatrié eut bientôt le mal du pays. Il implora Maman Zébédée et la Vierge Marie, pour qu’elles viennent lui porter quelque parfum de Palestine.

En l’an 39, Marie quitte donc Éphèse. Elle est accompagnée de ses amies éthiopiennes, Tarbis et Lorda, filles de la reine Candace, de ses amies juives et gauloises, Claudia Procla, Jeanne Chusas, Véronique et autres Maries citées dans l’Évangile.

Le bateau aborde la Camargue aux Saintes-Maries-de-la-Mer. La pieuse caravane emprunte la Grande Voie Romaine Est-Ouest. Elle passe par Tolosa, Lugdunum Convenarum ( aujourd’hui Saint-Bertrand-de-Comminges ), Montoussé, Capvern, Cieutat, Orignac…

Il fallut faire étape car Marie Salomé, la mère de Jacques, était souffrante. Pour ce, on séjourna dans la grotte de Massabielle. Séduites par la beauté du pays et la majesté des montagnes, Tarbis et Lorda décidèrent de se fixer là et fondèrent les villes de Tarbes et Lourdes. Dès que Marie Salomé fut rétablie, on se remit en route vers la Galice. Le récit ne détaille ni l’arrivée à Compostelle, ni le retour en Palestine. Mais, l’essentiel avait été dit.

Pour un peu, on serait tenté de faire dire à la Vierge Marie : « Cette grotte est bien accueillante. Elle a comme un goût de revenez-y ! »

Ce récit édifiant dont la forme est ici quelque peu enjolivée est cité par l’abbé Jean Francez ( 1901 – 1973 ), dans sa brochure « La dévotion mariale dans les Hautes Pyrénées ». Cet historien du diocèse, longtemps curé de Poueyferré, précise qu’il s’agit d’une légende.

Abbé Henri Larricq