Témoignage de Florence Boyrie

Florence Boyrie-Journau est tarbaise et vit à Rome depuis de nombreuses années où elle est aumônier du lycée français Chateaubriand.

Nous vivons une période bien difficile. Nous voilà sur Rome confinés depuis 4 semaines et les chiffres continuent de monter. 
Les rues sont désertes et le Centro strorico est tellement silencieux que ça devient flippant, mais Rome est magnifique. 
Un ami italien me fait des courses une fois par semaine, qu’il me place dans l’ascenseur, je sors alors parée comme un cosmonaute pour récupérer le paquet et je désinfecte tout le contenu pour éviter la propagation. Je découvre les joies de la dépendance totale. Et si je compte bien, je n’ai pas vu un être humain depuis 15 jours sauf par ma fenêtre puisque cette saleté ne vole pas. 
Je continue quand même de travailler, j’ai mis en place des séances de religion toutes les semaines à faire en famille pour les différents niveaux. Les retours sont très intéressants. Les parents retrouvent de la spiritualité et vivent un carême intense… il faut toujours essayer de voir la lumière dans les ténèbres. Du coup, j’ai l’impression de bosser beaucoup plus pour adapter mes cours aux parents, mais au moins et c’est l’essentiel, le lien pastoral n’est pas coupé avec les familles. Elles commencent malheureusement à être touchées par ce « nano-truc » épouvantable. Il faut prier pour elles. 
Le Pape François est exceptionnel comme pasteur de la ville, ses gestes et paroles au quotidien sont un baume au cœur de cette Italie meurtrie et traumatisée par cette pandémie. 

Ce 27 mars, à 18h, il fera une adoration eucharistique seul sur la Place Saint Pierre totalement vide. Pour l’occasion, il a fait sortir le Christ miraculeux de San Marcellino. Beaucoup de romains sont attachés à Lui parce qu’il aurait sauvé  Rome en 1522 de la peste… S’il pouvait recommencer ce serait intéressant !! Tous les journaux italiens ont montré le démontage du crucifix. Pour nous, c’est un symbole fort. Il devrait y avoir également l’icône de Marie « Salut du peuple romain » vénérée à Sainte Marie Majeure. À la fin du temps de prière le pape accordera une bénédiction « Urbi et Orbi ». Nous regarderons tous derrière nos écrans notre évêque implorer Dieu de faire cesser cette horreur. 

Ici, les obsèques sont très difficiles à vivre et ont peut dire que c’est inhumain pour les familles. Impossible d’enterrer dans la dignité. Elles ne sont plus autorisées depuis longtemps à aller dans les cimetières. Elles regardent simplement passer un corbillard (quand ce n’est pas l’armée qui déplace les cercueils tellement nombreux) qui s’arrête devant deux parents ou une femme et ses enfants ou un mari et rentre dans l’enceinte sans possibilité de toucher, de voir, de pleurer devant la sépulture. Les familles ne peuvent pas non plus aller accompagner les malades ou les mourants. Tous liens familiaux sont coupés dès lors qu’une personne rentre dans les mouroirs hospitaliers.

Comme tout le monde, je suis inquiète pour ma famille, et vivre loin des miens cette calamité est difficile, heureusement que le téléphone et internet permettent de se rendre compte des états de santé de chacun.

Désolée, mais je ne vous embrasse pas à cause de la contagion mais le cœur y est ?. 

Florence